lundi 26 mai 2008

LA PLACE DE L'HOMME DANS LA NATURE

Œuvre du Père Pierre TEILHARD DE CHARDIN

PAR Marie-cyrille,
Armand
Francis
INTRODUCTION
Dans une perspective anthropocentriste, il est facile de constater aujourd’hui la position primordiale qu’occupe l’homme dans le cosmos. Il est sujet des dires et écritures, il et objet d’études à la plupart des sciences ; à la limite nous dirons même qu’il est objet de convoitise dans les milieux économique et médicinal. Si bien que, l’étude de l’homme se réduirait simplement à la compréhension de l’univers et vice- versa. C’est sous cet aspect que le Père Pierre Teilhard de Chardin dans son ouvrage, (de 160 pages), intitulé la place de l’homme dans la nature se propose d’étudier la structure et les directions évolutives du groupe zoologique humain. En réalité, à mesure que la science évolue, ce débat sur la place qu’occupe l’homme dans l’univers gagne de l’ampleur et devient plus fascinant à nos yeux au point où nous sommes en droit de nous demander si l’homme est réellement supérieur aux autres êtres ; plus simplement peut-on dire qu’il transcende la réalité des autres formes de vie ? Si oui, qu’est ce qui le différencie des autres espèces, y a-t-il eu discontinuité ou continuité entre la lignée humaine et les autres lignées. La réponse à toute cette série d’interrogations nous mènera à une étude structurée de l’œuvre du Père Pierre Teilhard de Chardin, Dans laquelle nous puiserons quelques éléments de réponse mais avant toute activité, il convient, puisque l’homme est une partie de la vie, de voir ce qu’avait été la vie avant l’homme et surtout comment cette dernière est apparue.

CHAPITRE I – LA VIE AVANT L’HOMME
L’homme d’après le Père Teilhard, est la partie la plus caractéristique, la plus polaire, et même la plus vivante de la vie. Il serait donc incongru voire impossible d’étudier l’homme sans fixer préalablement la place de la vie dans l’univers. Sous l’éclairage de l’anthropogenèse «étude de l’origine de l’homme et du développement de l’homme et de l’espèce humaine », nous essaierons de trouver ce que représente la vie dans la structure générale du cosmos. Pour ceci, il importe de prendre en considération les informations que nous livre l’inspection de l’homme lui-même. c’est l’une des raisons pour lesquelles nous disions à l’introduction qu’on ne pouvait arriver à la compréhension de l’univers que par l’étude de l’homme et vice-versa.
I - Place et signification de la vie dans le Cosmos
I.1 – La vitalisation
La vie pour certains est une combinaison fortuite d’éléments matériels, pour d’autres encore, elle est un accident de la vie, un fait du hasard. Teilhard de Chardin manifestant son désaccord face à l’une et l’autre de ces théories va parler de la vie comme résultant de la forme que prend la matière à un certain niveau de complexité ; en fait, l’univers, en voie d’enroulement, considéré dans ses zones pré réfléchies progresse pas à pas, à coup de milliards et de milliards d’essais et à partir d’une certaine complexité ; la matière se vitalise et il y a alors émergence des qualités nouvelles. Arrêtons-nous un moment pour voir ce que c’est la complexité au sens teilhardien du terme.
Teilhard de Chardin considère la complexité non comme une simple agrégation, encore moins comme une simple répétition géométrique indéfinie d’unité mais la considère plutôt comme combinaison, c’est à dire, cette forme particulière et supérieure de groupement dont le propre est de relier sur soi un certain nombre fixe d’éléments en un ensemble clos de rayons déterminés, tels c’est le cas avec l’atome, la molécule, la cellule, le métazoaire. Si l’auteur rejette l’idée de complexité comme simple agrégation ou de cristallisation, c’est parce que dans ces cas là, l’arrangement par nature est constamment inachevé extérieurement, il y a par conséquent, possibilité éventuelle d’un nouvel apport par le dehors. Ce qui n’est pas le cas ici où la complexité est prise par l’auteur comme combinaison, il naît plutôt un type de groupe structurellement achevé sur soi à chaque instant et organiquement limité dans ses contours par rapport à soi : c’est le corpuscule. Au demeurant, il y a genèse des atomes ou formation des protéines parce que la matière grâce à son pouvoir d’inventions des formes nouvelles, et en vertu des propriétés qui lui sont inhérentes s’organise en dehors de toute intervention d’une conscience individuelle.
I.2 – L’importance de la notion de lignée
Très rapidement, la vie manifeste une de ses dispositions, c’est à dire se ramifier en avançant. C’est ce procédé de tâtonnement combiné avec le double mécanisme de reproduction et d’hérédité qui donne naissance à l’extraordinaire assemblage de lignées vivantes formant ce que Pierre Teilhard a appelé l’arbre de vie.
De prime abord, cet éventail de la vie donne l’impression d’une profusion où l’on ne peut retrouver un ordre naturel, pourtant c’est sur l’un de ses multiples rameaux que va apparaître l’homme, c’est dans ce sens que nous devons reconnaître l’homme comme étant le produit de la vie, il ne représente originellement que l’une entre autre des innombrables nervures formant l’éventail à la fois anatomique et psychique de la vie
Teilhard attache une importance notoire à cette notion de lignée car dit il, c’est la véritable unité élémentaire de la biosphère. Il nous conduit ainsi à étendre notre travail à l’étude de la formation de la biosphère mais beaucoup plus de la ségrégation des anthropoïdes.
II – Organisation de la biosphère et distinction des anthropoïdes
II.1 – Caractère originel de la biosphère
Si on considère notre monde comme quelque chose qui s’arrange, alors la vie ne peut plus être regardée dans l’univers comme un accident superficiel, mais nous devons plutôt la considérer comme en pression partout dans l’univers, c’est à dire prête à sourdre n’importe où dans le cosmos par la moindre fissure. C’est dans ce milieu cosmique activement convergent qu’il faut se placer si l’on veut faire apparaître et expliquer de manière cohérente la place de l’homme dans la nature et la valeur qu’il y représente. Voilà pourquoi il est important de lever un pan de voile sur l’aspect natif de la biosphère.
La biosphère, contrairement à ce que pense certains scientifiques, n’est pas la zone périphérique du globe où se trouve confinée la vie, mais elle est plutôt la pellicule même de la substance organique dont nous apparaît aujourd’hui enveloppée la terre, c’est un dispositif où transparaît la liaison qui rattache entre elles au sein d’un même dynamisme cosmique : biologie, physique et astronomie. Nous voulons à la suite de notre travail ressortir les grandes lignes structurelles de la biosphère telles que démêlées méticuleusement par une cohorte de zoologistes et botanistes au terme de deux siècles de travail.
II.2 – L’Arbre de la vie (schéma)
Signalons tout d’abord qu’il n’a pas été facile pour nous d’effectuer une étude sur l’arbre de vie en ceci que dans la réalité de la nature, les ramifications indiquées n’ont jamais cessé de former à chaque instant, biologiquement et spatiale ment un Tout étroitement enroulé sur lui-même. Par ailleurs, l’arbre tel qu’il nous est présenté, suit un arrangement morphologique qui correspond exactement à leur ordre chronologique d’apparition dans le monde, il peut donc être distinctement regardé comme exprimant la diversité des formes vivant dans le présent ou l’histoire de leur apparition dans le passé. C’est sur cette dernière que nous nous attarderons pour montrer la séparation des anthropoïdes des autres formes de vie.
II.2.1 – les monocellulaires
C’est le monde des monocellulaires qui exprime tangiblement les origines et la nature corpusculaire de la vie. La vie quand elle émerge de la matière est encore ruisselante d’un état moléculaire qu’elle ne fait qu’entretenir par le jeu prodigieux de son pouvoir de multiplication. Les monocellulaires actuels ne nous renseignent pas exactement sur ce qu’aura été leur faune au début de leur apparition. Tels que nous les voyons aujourd’hui, leur assemblage se présente comme un groupe ancien et différencié, on se dit même qu’à une certaine époque proche de leurs origines, ils ont connu un clivage qui a séparé les proto-plantes des proto-animaux et peut-être des autotropes (être capable d’assimiler directement le minéral sans intervention du rayonnement solaire). Et, c’est donc à partir de ce clivage que nous pouvons parler d’un monde multicellulaire.
II.2.2 – Les multicellulaires
Le passage de la vie maritime à la vie terrestre fut entrepris parallèlement par la vie végétale et animale. Ces deux mondes (végétal et animal )constituent les deux grandes branches des multicellulaires. Ils interagissent permanemment entre eux, en l’absence de la vie végétale, il n’y aurait ni développement, ni maintien de la vie animale, puisque la plante pourvoit l’oxygène indispensable à l’animal. Nous nous limiterons à l’étude des métazoaires qui laisse voir deux autres branches principales de l’arbre de la vie : les arthropodes à carapace ou squelette interne et les chordates ou vertébrés. C’est l’intensité du psychisme qui définit ces deux lignées majeures de métazoaires par le développement de l’instinct chez les premiers et de l’intelligence chez les seconds.
Dans une perspective d’anthropogenèse, la seule lignée qui nous intéresse est celle des vertébrés dans laquelle nous observons une cérébralisation croissante des poissons aux mammifères. Et dans les mammifères, le groupe des primates représente un axe assez privilégié de l’évolution et en ceci prime les autres groupes. Jusque là dans les divers rameaux du groupe des primates cet effort de la vie vers la cérébralisation s’arrête plus ou moins tôt, c’est à dire que le psychisme à un certain niveau, n’arrive plus à franchir le seuil de la réflexion excepté chez l’homme en qui seul, la conscience brise la chaine et en qui seul s’exprime la plus haute tendance du phénomène vital.

CHAPITRE II - HOMINISATION : LE PAS DE LA REFLEXION.
D’après le dictionnaire Robert, le mot hominisation semble désigner un ensemble de processus évolutifs, physiques, physiologiques et sociologique qui caractérisent le passage de primate à l’homme. Cette définition aide à comprendre l’hypothèse selon laquelle il y a deux millions d’années la terre était inhabitée pourtant aujourd’hui même les coins reculés comme la Sibérie sont habiter. Selon l’auteur, l’humanité est apparue comme toutes autres espèces existant dans le monde. L’origine de la vie dans la biosphère est une extension sur la terre de la première membrane de matière organisée, sans doute certaines protéines ont rencontré des structures capables d’assimiler une transformation. Cependant, après cette belle théorie de l’auteur, nous pouvons nous demander que s’est-il passé afin qu’une telle métamorphose se produise ? Pourquoi malgré le développement des sciences comme la psychologie, la sociologie, la médecine, les réponses qu’est-ce que l’homme ? D’où vient-il ? Demeurent problématiques. Dans ce contexte de questionnement sur la vraie identité de l’homme, la réflexion anthropologique sur l’hominisation et l’anthropogenèse ou étude de l’origine et de développement de l’homme devient une urgence, voir même une occasion de prise de conscience dans le dialogue avec les autres. Du point de vue de la multiplicité des connaissances sur l’homme, nous risquerons verser dans une curiosité de surface si l’homme lui-même ne s’interroge pas sur son essence et son existence afin de prendre position des problèmes qui l’assaillent sous peine de se perdre lui-même. Ne sommes nous pas en droit de nous demander si l’homme est-il différent de l’animal quand il tue son prochain sans raison, quand il détruit la nature pour le simple plaisir, quand il se révolte devant le bien ou alors l’art, la poésie, la technique, le travail, sa conquête de l’espace font-ils de lui un être spécifique ? Nous trouverons quelques réponses dans le processus d’hominisation qui fera l’objet de notre étude tout en sachant que TEILHARD de Chardin prône l’évolution selon la discontinuité. L’évolution est une théorie qui admet une suite de transformation graduelle assez lente ou formée de changements successifs insensibles. En effet, l’évolution dans la discontinuité ici se trouve dans le fait qu’il admet des mutations d’espèces moins complexes en plus complexes. La discontinuité se situe au niveau de l’hominisation ou seul l’homme arrive au seuil de l’intelligence.
I - Hominisation : une mutation continue.
TEILHARD de Chardin stipule : « le psychisme des autres êtres s’est arrêté c’est à dire leur cérébralisation, mais ce processus à continuer chez l’homme seul. C’est pourquoi il peut à lui seul produire des actes vitaux [...] c’est le psychisme qui donne l’intelligence chez les premiers et l’instinct chez les seconds.»1 Pascal Picq s’oppose donc à TEILHARD dans la mesure où ce qu’on avait cru se manifester uniquement chez les hommes en terme d’adaptation comme la bipédie, l’outil, la chasse, le partage de la nourriture, le rire et autres, les chimpanzés le font aussi. Tout d’abord, nous voulons présenter comment s’est effectué le processus d’hominisation malgré que le point de départ du jaillissement humain nous échappe, nous pouvons néanmoins déterminer indirectement certaines propriétés par l’analyse du rayonnement dans la localisation des modalités morphologiques précises. Ainsi donc, la mutation hominisante se découvre dans les recherches faites de la préhistoire. Eu égard au fait que l’origine humaine échappe à toute expérience, l’homme est assoiffé de connaître sa première intuition, l’origine du langage et de son peuple.
Certains anthropologues évolutionnistes admettent que, le processus d’hominisation s’est opéré conformément à la loi qui s’appelle spéciation (le surgissement des groupes vivants sous forme d’ensembles ramifiés en état de divisions actives). La première espèce qu’il reconnaisse est la classe des préhominiens laquelle nous étudierons.
Ils ont été découverts dans le feuillet pithécanthropien représentant plusieurs espèces pithécanthropes du quaternaire en extrême orient entre 1890 et 1930. il signale que l’homo soloensis est apparu au quaternaire supérieur. Cette espèce a connu des évolutions successives jusquà l’apparition du groupe hominien.
La découverte de choukoutier place l’espèce pithécanthrope dans la classe des hominiens. Cependant, la majorité d’anthropologues ont pensé que l’homme du quaternaire fut inférieur à celui hominien dans sa généralité. Cette illusion sera démontrée par des récentes découvertes africaines démontrant que les fossiles d’extrême orient sont loin d’être un type anatomique universel. En dehors du pithécanthrope, il se dégage un autre biote (ensemble des êtres vivants d’un endroit donné en voie lointaine d’hominisation).
Le rameau australopithèque est un groupe marginal fermé rencontré dans les divers points du globe. Selon les anthropologues Steinheim et de l’homme du néanderthal, il y a eu dérive de ce groupe d’australopithèque laissant une autre espèce plus ramifiée et plus cérébralisée. Pour mieux expliciter le passage des hominiens à l’homo sapiens regardons le schéma de la page 97.
II – l’hominisation : une mutation discontinue
Seul l’homme peut se poser le problème de choses, son être n’est pas celui des choses, le monde humain est plus que le monde des animaux et des choses. Chaque personne est conditionnée par de nombreuses données antérieures qui influencent le présent et déterminent toujours plus notre existence dans notre monde. L’homme n’est pas cependant un pur objet passif de son histoire. S’il est vrai que le devenir historique universel nous assigne une situation particulière, nous pouvons dominer l’histoire d’une manière humaine pour faire d’elle une histoire humaine. Malgré qu’il y ait des chercheurs qui pensent que toute affirmation anthropomorphique au sujet de l’animal lui prête nos sentiments, nos idées, est fausse. Nous ne pouvons que le décrire d’une manière phénoménologique tout en distançant l’auto expérience humaine.
A force d’être homme nous finissons par ne plus voir à juste titre la grandeur du phénomène humain. Si nous considérons les deux derniers millions d’années malgré certaines disparitions il n’y a eu aucune nouveauté en dehors des hominiens. C’est donc une mutation unique en son genre. Elle s’est opérée selon quatre propriétés :
- Une extraordinaire puissance d’expansion qui commence depuis la préhistoire par la fabrication des outils, elle s’étend chez l’homo sapiens
- Une extrême vitesse de différentiation, cette différence se situe au niveau anatomique où toutes les espèces humaines ont connu des mutations. Cependant seul l’homme a connu le processus de céphalisation. Il semble donc que les hominiens ont changé cérébralement, seulement les preuves scientifiques de cette affirmation reste une approximation.
- persistance du pouvoir de germination phylétique
Il se trouve ici tel que décrit par le schéma, les rapports génétiques et structurels de divers types des hominiens identifiés jusqu’à ce jour par la préhistoire connaisse des mutations et laissent jaillir l’homo sapiens.
- coalescence des rameaux.
Jusqu’au préhominien, l’homme partageait le même sort avec les animaux de son espèce mais l’évolution animale s’est opérée sur la ligne des divergences. C’est donc ce régime de différentiation psychique qui crée graduellement au sein de la biosphère la montée de la réflexion.

CHAPITRE III - LE DEPLOIEMENT DE LA NOOSPHERE
L’homme par la réflexion a accaparé le monde. Le Père Teilhard nous montre que comme de la complexification de la matière va aboutir la vie, et de celle de la vie l’homme, de la complexification de la conscience les hommes sont portés au rang d’espèce spéciale, de règne et même de sphère. Il s’agit de la sphère pensante. Cette noosphère est fruit des forces de liaison et de la socialisation dont il faut étudier le développement et les caractéristiques. Pour ce faire, nous ciblerons le peuplement de la terre, et la civilisation d’abord, puis l’individuation et la convergence de la noosphère et enfin l’avenir de celle-ci.
III.1 – Peuplement et civilisation
III.1.1 – peuplement
L’occupation de la terre par les hommes s’est faite par pulsations d’amplitudes croissantes. L’auteur en a relevé trois : la première est l’onde préhominienne dirigée du sud au Nord . Ils connaissent déjà le feu, on pense qu’ils étaient déjà considérablement socialisés d’où leur expansion. La deuxième pulsation est l’onde aurignacienne du paléolithique, évolue de l’Est à l’Ouest. C’est le groupe qui témoigne de l’évolution de l’homosapien. Il couvre presque toute l’Amérique du Sud. Il occupera jusqu’aux régions méridionales du globe, du nord des alpes au pacifique jadis inhabitées. La troisième pulsation est de l’onde néolithique. Par la découverte de l’agriculture et de l’élevage et de leur développement qui exigent une intensité forte de la population et une bonne organisation interne des individus. L’homo sapiens, fort de la disparition graduelle des autres écailles préhominiennes assurera l’avenir de l’hominisation sur la terre. Ce sont alors la naissance de l’agriculture et celle de l’élevage avec leurs exigences qui ont permis le tracé de la noosphère. Il s’agit particulièrement des groupes nord africains, nord européens et sibériens qui se sont sédentarisés permettant ainsi le passage par maturation de l’humanité d’un social diffus à un social désorganisé. Mais ce tracé précaire et épars à cause de l’hétérogénéité des groupes, et la fébrilité de la fabrique du réseau migratoire sera consolidée par la civilisation.
III.1.2 – Civilisation
Selon Auguste Comte, « la civilisation consiste à proprement parler dans le développement de l’esprit humain d’une part, et de l’autre dans le développement de l’action de l’homme sur la nature qui en est sa conséquence »2. Pour étayer son exposé sur la civilisation, le Père évoque le point de vue biologique, par différentiation et par effet d’orthogenèse. Biologiquement la civilisation est la spécialisation zoologique étendue à un groupe humain où l’influence psychique jadis négligeable, prend graduellement et rapidement une part importante dans la ramification du phylum. La civilisation est le processus générateur de cette organisation, c’est pourquoi elle consolide le peuplement. Par rapport aux autres espèces, le psychologique prend progressivement le dessus sur le physiologique et à l’hérédité chromosomique, s’ajoute l’hérédité éducationnelle chez l’homme. Par le fait que l’homme soit par nature éducable il peut facilement conserver et accumulé tous les acquis sociaux et culturels.
Par le fait de différentiation, il faut comprendre que si à l’intérieur de la biosphère pré humaine la distribution des formes de vie s’expliquait en termes d’apparitions et de disparitions, par jeu de force et de résistance. Le groupe humain au contraire devenu interactif en son sein, ajoutent aux opérations élémentaires de pénétration d’élimination et de substitution des combinaisons inter phylétiques.
Effet d’orthogenèse : Etymologiquement, « l’orthogenèse est la dérive fondamentale suivant laquelle l’étoffe de l’univers se comporte à nos yeux comme se déplaçant vers les étapes corpusculaires toujours plus complexes dans leur arrangement matériel et psychologiquement toujours plus intériorisé – dérive directement inscrite (…) chez les vivants supérieurs dans une concentration croissante du système nerveux »3. L’homme s’avance donc vers une plus riche cérébralisation, la lenteur du mouvement et nous laisse croire que cette cérébralisation est arrivée à son point culminant et n’évolue plus. Pourtant l’ordre qu’impose la socialisation à nos jours semble relayer les formes de socialisation primitives.
De ce qui précède rappelons que par la sociabilité, l’agriculture, l’élevage et la cérébralisation progressive les hommes ont engendré des civilisations où nous-mêmes en réalité cette cérébralisation évolutive de l’homme ?
III.2 – Individuation et convergence de l’humanité
Si la réflexion et la sociabilité des hommes les ont rapproché pour former des groupes solides, s’unifiant progressivement, comment comprendre l’individuation dans le groupe humain ?
III.2.1 – Individuation
L’individuation est conçue comme un processus par le quel l’homme en tant que sujet distinct des autres est compréhensible à la lumière du développement historique de l’espèce humaine. Le Père Teilhard de Chardin nous fait comprendre que le développement de l’espèce humaine par corpusculisation évolutive et par jeu d’arrangement ethnico-culturel est la cause même de l’individuation. Pour preuve on observe chez les peuples dits primitifs une co-conscience collective favorisant l’harmonie, telle était la situation de tous les peuples à l’époque prénéolithique. La raison est que le développement du phylum par conservation et développement des acquis conduit à la fortification et au développement des individus. C’est pour s’être assez développé et rendu puissant que l’individu exige plus d’espace pour l’exercice de sa puissance et pour son auto satisfaction. La notion d’espèce décline pour céder le terrain à celle de l’individu. C’est l’époque du 19ème siècle où l’isolement, la liberté et les droits de l’homme sont exaltés. C’est la période démocratique pendant laquelle tout est pour l’individu et l’individu est tout. Cette individuation par isolation peut-elle persister quand se rend plus pressant le resserrement de la planète.
III.2.2 – Convergence
Avec l’individuation du 19ème siècle, l’homme continue à rêver d’un monde où les individus dans leur solitude incommunicable se serviront chacun du progrès de son environnement social pour mieux s’éloigner vers une destination qu’il considère comme la plénitude de son être. La socialisation qui poursuit son chemin vers l’unification des peuples au plan ethnique, économico-technique et psychique le désillusionne rapidement.
Nous observons sur la surface fermée et désormais réduite de la terre un resserrement par reproduction chez les humains. Tout se passe comme si l’espace de vie était réduite face à ce boom démographique ce qui impose en second plan l’organisation économico-technique. La genèse de la biosphère et de la noosphère montre que la loi de la nature stipule qu’en comprimant la matière vitalisée, celle-ci s’organise. Sans pression de corpuscule la vie ne serait pas probablement apparue ni la réflexion encore moins la société humaine. La civilisation de nos jours doit son existence au rapport entre les dimensions de notre être et celle de la planète qui nous habite. En effet c’est par croissance que l’humanité se resserre sur soi. Elle doit se faire de l’espèce vitale et bien organiser ses éléments en usant de son énergie et de son espace parcimonieusement d’où le développement intellectuel qui vise à trouver les moyens scientifiques pour survivre et bien s’organiser. La complexion planétaire provoque le resserrement humain qui lui, provoque des difficultés d’organisation. Ces difficultés provoquent à leur tour le développement du psychisme qui est contraint avec cette unification à la recherche scientifique dans le but d’accroître le rayon d’action des hommes. C’est de cette façon que se décrit le développement de la socialisation qui aboutit à la totalisation de l’humanité de laquelle il faut sans doute ébaucher une interprétation.
- Les forces d’interprétation du mouvement
La compression physico-sociale à laquelle nous sommes soumis a pour résultat final d’échauffer psychiquement les hommes. La crainte de déshumanisation par la forme servile du travail, les troubles dans nos Etats et tous les autres maux qui nous minent sont des craintes exagérées car elles interpellent les hommes à un super regroupement fruit d’une réflexion mure rejoignant ainsi le jeu habituel de corpusculisation vitalisante qui non plus réalise seulement la germination de la conscience réfléchie mais va plus loin en les groupant et les synthétisant. L’homme se trouve bouleversé par le fait que sous l’action graduelle du renfermement d’un monde il soit obligé de coopérer et d’y avancer à l’intérieur. Le malaise naît du changement de la courbe de l’univers qui considéré comme en voie de divergence par espacement vers un monde qui conflue en se renfermant sur lui-même. L’homme depuis le XVIème siècle découvert d’abord la mobilité du cosmos se rassurant ce mouvement le conduirait à une forme de vie supérieure, bernique, que non seulement la cosmogénèse est en son cours mais aussi qu’il tend à se boucler rapidement au-dessus de nous. Il convient que l’homme comprenne que son destin loin de le conduire à la ruine où la vie s’étouffera sur lui, le dirige plutôt vers l’unification de ses forces afin que réunis tous les humains surmontent toutes menaces à leur endroit. Le fait ainsi cerné, il convient de découvrir ses effets.
- Les effets
Nous avons vu que la convergence de l’humanité amène les hommes à développer leur pensée. La Noosphère qui se resserre développe l’énergie libre dont il convient d’entrevoir la gérance. Le père nous fait comprendre que de l’association de la mécanique et de l’entraide entre les hommes s’engendre une énergie libre qui cause le chômage causé directement par la machine. C’est ce chômage qui ouvre l’homme au loisir d’aimer de penser et de créer souligne l’auteur. La responsabilité de l’homme est donc désormais d’orienter cette énergie libre vers la recherche. La convergence du monde a donc pour fruit l’accroissement exponentiel de la recherche qui vise à débarrasser l’homme de toute offuscation de son épanouissement et la croissance de sa liberté d’action. L’auteur définit la recherche comme la forme « native et naturelle revêtue par l’énergie humaine à l’instant critique de la libération. »4 a masure donc que l’humanité se boucle sur elle-même l’homme développe ses pouvoir inventif et créatif. Les hommes tous ensemble sont confrontés au problème de leur environnement social et dans un contexte de machinisme s’occupent plus des activités intellectuelles pour ainsi maîtriser la nature ou même maîtriser sa fonction. Quelle est alors le résultat de la croissance du pouvoir d’action de la noosphère ?
III.3 - Avenir et essor de la noosphère.
Malgré la lenteur de l’évolution cosmique l’on ne saurait parler d’une fixité de l’humanité. Il convient de renoncer à la conception qui soutient qu’avec l’homme et en l’homme la terre a épuisé ses potentialités. Pour cela, il convient de saisir l’évolution comme un fait rebondissant vers la sur cérébralisation, puis examiner l’hypothèse de la fin du monde pour enfin évaluer les possibilités de succès de l’essor de la noosphère.
III.3.1 - L’évolution rebondissante.
Pour saisir le fait d’une évolution rebondissant de l’univers, jetons un coup d’œil rétrospectif sur ce que nous révèle le mouvement de l’univers du passage de la prévie à la vie par complexification de la matière. Pour beaucoup, l’évolution s’arrête avec la naissance du pouvoir psychique de combiner chez les hommes. Pourtant la relation observée entre resserrement planétaire, le dégagement de l’énergie humaine libre, le passage de l’invention privée à la recherche totalisée montre que malgré l’individuation dont rêve certains, l’humanité se converge d’avantage. L’intensification des découvertes scientifiques des techniques des lois de la matière augmente la main mise de l’homme sur la direction de la biogenèse. Tout laisse croire que l’évolution à la quelle nous assistons aujourd’hui n’est pas juste naturelle mais réfléchie et influencée par l’homme lui-même.
III.2.2 - Vers une plus haute cérébralisation.
La cérébralisation collective témoigne de la persistance de l’évolution constante de l’humanité. Par la totalisation que nous impose le resserrement planétaire, il est indubitable malgré sa lenteur que ce processus s’intensifie. Par le rapprochement rendu facile grâce au développement de transports et de la transmission de la pensée entre les humains, le pouvoir psychique des hommes a accru par la mise en commun de leur pouvoir réflexif sur les situations communes qui les préoccupent de telle sorte qu’on puisse envisager légitimement l’existence d’une pensée, d’une substance grise humaine. L’homme ne réfléchit plus seulement sur ce qui lui est externe ou sur son corps mais la révolution consiste en ce qu’il a orienté sa pensée vers elle-même. Désormais l’homme réfléchit sur son intelligence où par cérébralisation collective il s’évertue à compléter et à perfectionner anatomiquement le cerveau de chaque individu par des moyens effectifs. Pour compléter, il use des machines pour arrondir et accroître notre capacité mentale. Perfectionner, on entend aussi bien la mise en usage des neurones mis en réserve dans l’encéphale que stimulation mécanique biologique ou chimique des combinaisons ou complexifications nouvelles. L’homme par son auto cérébralisation est dans ce sens acteur de son auto accomplissement. Ainsi, par prolongement de sa nature, l’homme opère un rebondissement réfléchi de l’évolution.
III.3.3 - Hypothèses sur la limite de la socialisation.
Collectivement d’abord la croissance de la noosphère tend vers une certaine maturité. La caractéristique de ce mouvement serait de produire un état supérieur de réflexion collective traduite par une vision du monde commune qui ramène toute l’humanité à une pensée commune ce qui serait susceptible d’engendrer un arrêt d’évolution et une fin de l’humanité. L’auteur souligne ensuite qu’individuellement, rien ne nous empêche de comprendre que la socialisation par compression aux apparences menaçantes à l’endroit de nos libertés et originalités soit un moyen pris par la nature pour faire de nous des êtres isolés incapables de communiquer réellement entre nous c'est-à-dire entre cœur et entre esprit. L’union différencie et centrifie à la fois. Le spectacle ambigu de la situation de l’homme nous le montre. Même si la totalisation est la suite de l’anthropogenèse, l’isolation des individus s’assimile souvent à l’atteinte de notre intériorité. Depuis l’inauguration de cette totalisation, il est perceptible que c’est plutôt nous affirme l’auteur par effet de personnalisation que nous ressusciterons le sacré du fond de notre égoïsme. C’est voir que le centre de nous même dans la tension vers le point confluent d’une multitude humaine tendue réfléchie et humanisée librement sur elle-même.
Cosmiquement, l’astronomie moderne imagine sans cesse l’existence d’un atome ou serait parti l’univers par extension. La convergence de l’humanité pourrait nous ramener à ce point oméga non plus par expansion physique mais par intériorisation psychique. Si l’humanité se comporte comme un atome, celle-ci doit avoir des qualités qui s’expriment vers un but précis. C’est alors le potentielle de réussite de cet univers qui sera relever en dernière analyse.
III.3.4 - Possibilité de réussite de l’aventure humaine
Si la structure de l’univers ne nous laisse aucune autre possibilité que notre unification, est ce pour autant qu’il faille conclure que cette unification peut être portée au succès sans effort de notre part ? Même si la réponse négative à cette question est évidente par le fait que naturellement toute synthèse implique risque, examinons les conditions internes et externes à remplir pour assurer une unification constructive de l’humanité.
Extérieurement, si toutes richesses et réserves naturelles venaient à manquer à l’homme avant sa maturité, si la substance requise pour stocker et développer nos connaissances et aspirations qui constituent le germe collectif de la noosphère, l’unité du monde et même sa vie serait impossible. La chance de réussir est que la vie sur terre se développe avec une grande marche de manœuvre qu’assurent les prouesses scientifiques pour réserver l’énergie vitale. Pour ce qui est des ressources cérébrales, on respecte avec fierté la façon dont surgissent et se relaient les éléments humains à mesure que progressent les taches humaines.
Les conditions externes quant-à elles concernent l’usage de notre liberté de savoir-faire et de vouloir faire. Notre savoir-faire consiste à agir tout en évitant toute voie qui nous métrait en butte à l’impasse. Il question ici d’éviter toute émancipation susceptible de nous être nocive ; pour cela un travail en équipe suggère l’auteur s’avère nécessaire, car entend souvent dire l’union fait la force mais alors une union qui sait choisir et prévoir. Le vouloir faire pour sa part concerne la volonté qu’a l’humanité de toujours vivre. Ainsi même dans les faillites de nos libertés subsistent et persistent notre raison et notre goût de vivre. C’est dire aux mots de Teilhard de Chardin que « Rien ne saurait apparemment empêcher l’homme-espèce de grandir s’il garde au cœur la passion de croître. » 5 Ainsi formule t-il une hypothèse.
Si le monde dans son vaste mouvement d’évolution n’aboutissait qu’au groupement les uns sur les autres de ses éléments réfléchis, de façon impersonnelle et totalisante, le mouvement de convergence de l’humanité se déferait par dégoût de lui-même car, se réalisant sa propre progression la pousse à l’impasse et n’augure rien de bon. Ainsi pour l’auteur, la noosphère ne subsisterait que si le point oméga dûment évoqué était conçu comme « le point de rencontre entre l’Univers parvenu à limite de centration et un autre centre encore plus profond,- centre self-subsistant et principe absolument ultime, celui-là d’irréversibilité et de personnalisation : le seul véritable oméga… »6 En clair, la noosphère parviendra à la plénitude de son parcours que si son mouvement de convergence le mènerait à l’unité de l’Omega qui subsiste et se suffit à lui tout seul. C’est, conclu l’auteur, sur la science de l’évolution que s’insère le problème de Dieu, moteur collecteur et consolidateur en avant de l’évolution. Dieu est alors l’oméga de qui est parti toute chose et chez qui doit se réunir toute chose dans le monde.
Tout compte fait, cette troisième partie fait mention du déploiement de la noosphère que résument les chapitres 3 et 4 du chef d’œuvre de Teilhard. Il faut retenir que les hommes dotés de la connaissance et à partir des exigences démographiques et techniques de la culture et de l’élevage, fort de brassages ethnique et de la sociabilité ont peuplé rapidement la terre. Peuplement qui est consolidé par la civilisation et qui permet par le psychique et l’éducation, la transmission et le développement des acquis en milieu humain. Ce qui est d’ailleurs impossible chez les autres primates. Plus tard le resserrement planétaire impulsera sans cesse le déploiement de la noosphère vers sa totalisation, une totalisation qui n’a de sens que dans sa rencontre avec Dieu.
CONCLUSION
Parvenu au terme de nos investigations, il était question pour nous avec les lunettes du Père Teilhard de Chardin de savoir si l’homme est une espèce issue d’une lignée supérieure, mieux encore, s’il y a eu entre lui et les autres espèces continuité ou discontinuité, bref quelles sont la place et la valeur de l’homme dans la nature. Nous sommes donc partis du fait que l’homme en tant que première caractéristique de la vie est une partie intégrante de la vie, de ce fait nous ne pouvions étudier l’émergence de l’homme sans avoir évoqué au préalable l’apparition de la vie ; en d’autres termes parler de la noosphère sans convoquer la biosphère. Nous avons vu que la vie provient de la forme que prend la matière à un certain niveau de complexité et (la vie) développant une de ses caractéristiques propres (celle de se ramifier en avançant), donne lieu à un éventail de lignées qui subissent toute la même mutation ; et c’est de l’une d’elles que provient l’espèce humaine. L’apparition de la vie peut aussi donner naissance à d’autres espèces qui continuent à évoluer. Cependant, il peut se produire une bifurcation qui crée une progression de l’espèce tandis que l’autre reste stable. L’homme par exemple, a connu l’évolution psychique de son espèce comparativement aux autres vertébrés avec qui il partage cette faculté mais qui chez ces derniers, s’avérerait limitée. Ce processus cognitif qui caractérise désormais l’homme explique l’avènement dans l’univers d’une nouvelle planète que Teilhard de Chardin appelle dans son œuvre la noosphère ou sphère pensante qui a été développée par le resserrement sur soi de l’espèce vitale. En définitive, La totalisation vers laquelle évolue l’humanité ne peut se consolider et se comprendre que si elle rencontre Dieu qui subsiste et se suffit à lui même.
BIBLIOGRAPHIE
TEILHARD DE CHARDIN Pierre, La place de l’homme dans la nature, Paris, union générale d’éditions, 1956, 183p.
FOULQUIE Paul, Dictionnaire de la langue philosophique, Paris, PUF, 1992, 6ème édition
TABLES DE MATIERES

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