lundi 26 mai 2008

LA PREMIER ET LE DERNIER HOMME Chez Fancis FUKUYAMA

Alain Claude MANI BIHINA
Charles Dieudonné MBOUDOU
Daniel ABADA ZENGUE


Sous la direction de
l'Abbé Claude LAH
Docteur en Philosophie
Année Académique 2007-2008

Introduction
Etudier d’un point de vue anthroplogico-philosophique les questions relatives à la vie de l’homme en société, c’est essayer d’esquisser les grandes lignes des comportements de l’homme vis-à-vis de ses semblables, au cours des âges et dans les principales cultures. Toutefois dans le présent travail, nous voudrions non pas aborder la question dans un domaine macrocosmique, c’est-à-dire universel, mais nous limiter à ce que nous propose Francis Fukuyama dans son ouvrage la fin de l’histoire et le dernier homme. Aussi, notre étude sera essentiellement consacrée à l’homme dans son milieu et ses relations avec les autres êtres humains. Mais il est difficile voire impossible de donner une définition satisfaisante qui rendrait compte de la totalité de ce concept. Car si on considère la définition du Larousse classique qui dit que l’homme « est un être doué d’intelligence et d’un langage articulé. Rangé parmi les mammifères de l’ordre des primates et caractérisé par son cerveau volumineux, sa station verticale, ses mains préhensibles » ; aussitôt après, on nous rétorquerait qu’il fait aussi l’objet des passions égoïstes.
Cependant, même si l’homme est un mystère ou encore ‘une histoire sacrée’ comme le dit si bien Jean Vanier, il convient de reconnaître qu’en science, on s’accorde désormais sur la thèse évolutionniste de Darwin par rapport à ce qui concerne son origine. Or l’existence de l’homme comme celle de tout autre être vivant a un commencement, une croissance ou évolution et une fin. Si telle est la base de notre réflexion, nous ne nous leurrons pas en évoquant l’évolution qui est au centre même de la vie humaine comme une pièce maîtresse de sa destinée. Seulement, l’histoire de l’humanité démontre que malgré les progrès et ce à tous les niveaux de la vie politique, social, économique et religieux), l’existence de l’homme dans le monde reste angoissante. En effet, « l’homme universel [se trouve] écartelé entre sa finitude et son désir d’absolu, entre sa liberté et son pouvoir créateur, et qui cherche à combler cette faille en lui-même »1. C’est donc conscient de cette angoisse que l’homme va s’établir au fil du temps des modes de gouvernement et d’organisation sociale capables de satisfaire les besoins de chacun et de tous. Mais notre étude portera sur la conception de la démocratie libérale américaine inspirée des thèses politiques de Hobbes et de Locke.
Notre travail sera subdivisé en trois chapitres. Le premier, sur le ‘premier homme’ se voudra une tentative d’éclaircissement du concept et de ses caractéristiques. Nous y évoquerons tour à tour les philosophes (Hobbes, Locke et Hegel) en ressortissant les similitudes et les divergences de leurs pensées. Dans le deuxième chapitre, portant sur la démocratie libérale, chapitre où nous traiterons à proprement parler de ses origines, de la ‘fin de l’histoire’ et de ses implication sur l’histoire humaine. Dans le troisième chapitre enfin, nous aborderons le concept de ‘dernier homme’ en exposant d’une part ses fondements et le paradoxe qu’il soulève, et d’autre part le dernier homme et la fin de l’humanité.

Chapitre I - ‘Le premier homme’ : débat Hobbes, Locke et Hegel
Avant tout discours sur ‘le premier homme’ de Francis Fukuyama, il nous semble convenable de lever toute équivoque. Car ‘le premier homme’ dont il est question ici n’est ni Adam premier homme sur la terre selon la thèse créationniste ni le premier homme issu de l’évolution cellulaire de Darwin, ni même encore le premier homme générique dont le déchiffrement génétique fait désormais la grande innovation de la biotechnologie. En effet ‘le premier homme’ dont il est question dans ce travail, c’est l’« animal politique » selon la définition aristotélicienne de l’homme. Il s’agit de l’homme qui est capable de sortir de son ‘état de nature’ où règne la violence, la brutalité et l’insécurité pour choisir librement d’entrer en relation avec ses semblables en vue d’une vie plus heureuse de chacun et de tous. Pour ce faire, Fukuyama met côte à côte les thèses politiques de T. Hobbes et de J. Locke, base même des fondements scientifiques et rationnels de la démocratie américaine, avec la thèse hégélienne de la « relation du maître et de l’esclave ». Aussi est-il nécessaire pour nous de présenter de façon non moins exhaustive les trois protagonistes que l’auteur met en scène avant d’élucider les similitudes et d’établir les divergences.
1- Présentation des auteurs
a- Thomas Hobbes (1588-1679)
Il appartient à la génération de René Descartes mais le rayonnement tardif de son œuvre et sa longévité laissent croire qu’il lui est postérieur. Aussi la pensée politique et morale du philosophe anglais consignée dans son ouvrage principal le Léviathan peut se résumer en deux grandes idées : « en premier lieu sa caractérisation de l’état de nature comme solitaire, pauvre, désagréable, brutal, mesquin et en second lieu sa célèbre doctrine de la souveraineté absolue de la monarchie »2. En effet en tant que mécaniste, Hobbes veut donner un véritable statut scientifique à la politique et à la morale. Sans pourtant être un démocrate au sens contemporain du terme, sa thèse sur la légitimité du gouvernement ayant pour origine les droits des gouvernés, plutôt que le droit divin des rois ou de la supériorité naturelle du gouvernant fait de lui un libéral au sens propre du terme. Pour Fukuyama, la philosophie de Hobbes « est la source d’où jaillit le libéralisme moderne »3.
b- John Locke (1632-1704)
Philosophe anglais, il est surtout connu comme le grand critique de Descartes. Successeur de Hobbes, comme personnage majeur de la philosophie anglaise du XVIIè siècle, l’auteur de l’Essai sur l’entendement humain4 a développé une philosophie éthique et politique. Aussi La pensée politique de Locke est souvent perçue comme dépassement de celle de son compatriote Hobbes. En effet, « Locke soutient que la souveraineté ne réside pas dans l’Etat [c’est-à-dire le monarque] mais dans le peuple et que l’Etat n’est suprême qu’à condition d’être tenu par le droit civil et le droit ‘naturel’ »5. La théorie politique de Locke est plus libérale que celle de Hobbes, car il innove avec la reconnaissance du droit à la révolution contre toute tyrannie. Il convient de préciser ici que la pensée de l’auteur se veut empirique et sa « conception de la propriété privée ressemble beaucoup plus à l’esprit de capitalisme »6.
c- Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831)
Il représente l’une des grandes figures de la philosophie allemande. Tant son œuvre est immense de sorte que Claude Bruaire l’appelle affectivement l’« Aristote des pensées contemporaines »7. Il fut très influencé par les penseurs grecs, B. Spinoza, J. J. Rousseau et E. Kant. S’il était en désaccord permanent avec ces philosophes, leur influence n’est pas moins manifeste dans ses écrits. L’ambition philosophique de Hegel est d’élaborer un système philosophique qui embrasserait les idées de ses prédécesseurs tout en livrant le cadre conceptuel nécessaire à une compréhension philosophique du passé et de l’avenir. Par ailleurs, le philosophe idéaliste conçoit la lutte des contraires comme le mouvement dialectique de l’histoire. Aussi, pour lui, l’objet de la philosophie est la totalité de la réalité. Il fut le premier à parler de la fin de l’histoire. En effet, « Hegel et Marx croyaient que l’évolution des sociétés humaines n’était pas infinie, mais s’achèverait le jour où l’humanité aurait mis au point une forme de société qui satisferait ses besoins les plus profonds et les plus fondamentaux. [...] Pour Hegel, c’était l’Etat libéral, pour Marx, la société communiste »8.
2- Les points de similitudes
Les similitudes entre l’état de nature de Hobbes et la bataille sanglante de Hegel sont frappantes et méritent d’être éclaircies.
a- La violence
Hobbes et Hegel sont unanimes sur ce point. En effet, pour l’un et l’autre, la réalité sociale première n’est ni l’amour ni la concorde, mais « une guerre de chaque homme contre chaque homme ». A cet effet, Fukuyama précise que « bien que Hobbes n’utilise pas l’expression de ‘la lutte de la reconnaissance’, les enjeux de cette guerre originelle de tous contre tous sont les mêmes pour Hegel »9. Toutefois, cet état de nature n’est qu’une hypothèse car il peut n’avoir jamais existé dans l’histoire de l’humanité mais est partout latent lorsque la société civile s’effondre. Ce climat de violence ne peut engendrer qu’une guerre civile tant les liens entre les différents citoyens sont corrompus et animés de passions. C’est pourquoi, « tout comme la bataille sanglante de Hegel, l’état de nature de Hobbes est sensé illuminer la condition humaine lorsqu’il naît de l’interaction des passions humaines les plus permanentes et les plus fondamentales10 ».
b - Les causes du conflit originel
Les deux auteurs s’accordent sur trois principales causes : la première, la rivalité, il parait que c’est le moteur de l’histoire. En effet, pour s’affirmer l’homme doit triompher non seulement du cosmos environnant mais aussi de ses semblables. La seconde est la méfiance. La vie sociale est caractérisée par un manque de confiance entre les hommes. On les voit le plus souvent s’observer comme des chiens de faïence attendant que l’autre fasse le premier pas ou qu’il se découvre. La troisième, la gloire fait que les hommes s’affrontent pour des futilités comme un mot mal placé ou un sourire donné ou refusé. Aussi les deux premières causes peuvent sembler légitimes parce que vitales, Hobbes constate que les hommes se battent plus souvent pour des futilités, en d’autres termes pour la reconnaissance par autrui. C’est pourquoi pour Hegel comme pour Hobbes, la nature du premier homme peut se résumer ainsi : « la passion qui conduit avant toute autre les hommes à s’affronter n’est pas la convoitise pour des possessions matérielles, mais bien la satisfaction de l’orgueil et de la vanité de quelques ambitieux. Le « désir d’un désir » selon Hegel n’est en effet rien d’autre que cette passion humaine que nous appelons généralement ‘fierté’ ou ‘respect de soi-même’ (lorsque nous l’approuvons), et ‘vanité’, ‘forfanterie’ ou ‘amour propre’ (lorsque nous ne l’approuvons pas) »11.
c - L’instinct de conservation de soi
Pour les deux penseurs, « l’instinct de conservation de soi est la passion la plus forte et la plus partagée des passions naturelles »12. En effet, c’est elle qui pousse le plus puissamment les hommes vers la paix lorsqu’il y a conflit. Aussi pour Hegel comme pour Hobbes, l’homme dans l’état de nature est écartelé d’une part entre son orgueil ou son désir d’être reconnu qui le pousse à risquer sa vie dans une bataille de pur prestige et d’autre part la peur d’une mort violente qui le pousse à se soumettre et à accepter une vie de servitude en échange de la paix et de la sécurité.
Cependant si Hobbes semble admettre avec Hegel que la bataille sanglante conduit historiquement à la relation du ‘maître et de l’esclave’, lorsque l’un des combattants se soumet à l’autre par crainte de sa vie, Hobbes se démarque par ailleurs de cette conception hégélienne et la qualifie de despotisme, condition qui maintient l’homme à ‘l’état de nature’.
3- Les points de divergences
a- Le poids moral
F. Fukuyama précise en effet que « la différence fondamentale entre la tradition anglo-saxonne du libéralisme et la conception hégélienne réside dans le poids moral relatif assigné d’une part aux passions de fierté ou de vanité [...], d’autre part à la peur de la mort violente »13. Si pour Hegel le fait de risquer sa vie pour une bataille de pur prestige est moralement digne d’éloge, il faut aussi reconnaître que Hobbes n’y voit aucune valeur dans cet acte ignoble et inhumain. Car pour lui,
« En effet, c’est précisément ce désir d’être reconnu, cet empressement à combattre pour des ‘futilités’ comme une médaille ou un drapeau, qui est la source de toute violence et de toute misère dans l’état de nature. Pour lui [Hobbes], la passion humaine la plus puissante est la peur de la mort violente, et l’impératif moral le plus puissant – la « loi de la nature » - est la préservation par l’individu de sa propre intégrité physique. L’instinct de conservation est le fait moral fondamental : tous les concepts de justice et de droit sont fondés, pour Hobbes, sur la poursuite rationnelle de la conservation de soi, alors que l’injustice et l’erreur conduisent à la violence, à la guerre et à la mort »14.
Contrairement à cette thèse de Hobbes, Hegel considère en l’acceptation du risque de mort dans une bataille de prestige comme « ce qui fait l’homme humain, le fondement même de la liberté humaine »15. Comme dit une maxime populaire « qui ne risque rien n’a rien ».
b- La finalité
Pour notre auteur, c’est la peur de la mort qui conduit Hobbes à la notion de l’Etat libéral. L’état de nature étant caractérisé par le ‘struggle for life’ où il n’y ni lois positives ni même un gouvernement capable de régler les aspirations égoïstes de chaque citoyen. C’est pourquoi, conscients de ce danger et du risque d’anarchie que les hommes s’accordent pour déléguer leur droit à un souverain suprême qui en serait le dépositaire au nom de toute la société. D’où alors le contrat social car c’est le seul qui est capable de préserver la vie de chacun et de tous. Aussi la seule source de légitimité d’un Etat réside dans sa capacité de protéger et de préserver ces droits que les individus possèdent en tant qu’êtres humains. Par ailleurs, « la paix et la protection du droit à la vie ne sont pourtant pas sans frais. Le contrat social de Hobbes a pour fondement un accord en vertu duquel, en échange de la préservation de leur existence physique, les hommes doivent renoncer à leur orgueil et à leur vanité injustes »16. Toutefois, cette conservation de soi est un élément commun aux hommes et aux animaux que l’on pense ‘inférieur’. En définitive, « contrairement à Hegel, Hobbes pense que le désir d’être reconnu et le noble mépris de la vie ‘simple’ ne constituent pas le commencement de la liberté de l’homme, mais l’origine de sa misère »17.
Aussi, s’il est évident que pour Hobbes, le contrat social est source de sécurité et de paix pour chacun et toute la société, et que tous les hommes le recherchent instinctivement, pour Hegel, c’est le désir d’être reconnu c’est-à-dire la lutte des contraires qui est le moteur même de l’histoire. Dès lors on constate que la thèse Hégélienne et la théorie politique de Hobbes sont diamétralement opposées dans leur finalité.
c- Le dépassement de J. Locke
Sans faire abstraction de la théorie monarchique de son prédécesseur, Locke pense que celle-ci est insuffisante car ne pouvant pas satisfaire entièrement les aspirations des hommes. En effet, il y a risque que le souverain lui-même se transforme en despote et dictateur. C’est pourquoi il conçoit une souveraineté parlementaire ou législative fondée sur le pouvoir de la majorité et justifie la révolution contre toute tentative de tyrannie. « Selon Locke, le droit naturel de conservation de soi formulé par Hobbes impliquait un droit à la révolte contre tout tyran qui utiliserait injustement ses pouvoirs contre les intérêts de son peuple. C’est à ce droit que fait référence le premier paragraphe de la déclaration d’indépendance [des Etats-Unis d’Amérique], qui parle de la nécessité éventuelle pour ‘un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à quelqu’un’ »18. Par ailleurs Locke pense qu’au droit de protection d’une existence physique brute doit être conjurée une existence confortable et potentiellement aisée. Car, pour lui le rôle de la société civile n’est pas seulement de préserver la paix sociale, mais aussi de protéger les biens des citoyens.
Toutefois, si le premier homme de Hobbes aspire de toutes ses forces à la paix et à la sécurité de sa vie, le premier homme de Hegel ne désire pas des possessions matérielles, mais bien la reconnaissance par les autres de sa liberté et de son humanité se montrant ainsi insensible aux biens du monde (la propriété privée et sa propre vie), le premier homme selon Locke « entre dans la société civile non pas simplement pour protéger les possessions matérielles qu’il a dans l’état de nature, mais pour ouvrir la possibilité d’en obtenir davantage et sans limite »19. Aussi, pour Fukuyama, le constat est là et les faits sont évidents que « la fondation de l’Amérique a été profondément sinon totalement imprégnée des idées de J. Locke »20. C’est pourquoi Thomas Jefferson et les pères fondateurs de l’Amérique reconnaissaient le droit des hommes à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur et croyaient que le premier objectif du gouvernement était de défendre ces droits naturels antérieurs à tout établissement de l’autorité politique.
Aussi, les thèses de Hobbes, Locke et des pères fondateurs des Etats-Unis perçoivent en la bataille de prestige de Hegel quelque chose de pervers et de dangereux. Ces derniers privilégiant non seulement la conservation de soi mais aussi et surtout la propriété privée au sein d’un Etat libéral. Ce qui pose immédiatement le double problème du manque de tout esprit public et de la précarité morale. Or pour Hegel, celui qui risque sa vie pour une bataille de pur prestige où il n’est question d’aucun intérêt mesquin ou de satisfaction d’un besoin physique n’est que l’exemple de l’impulsion humaine à transcender un besoin purement naturel et physique. En définitive, « Hegel conçoit l’homme comme un agent moral dont la dignité spécifique est liée à sa libération intérieure de toute détermination physique ou naturelle. C’est cette dimension morale, et la lutte pour la voir reconnue, qui constituent le moteur du développement dialectique de l’histoire »21.

Chapitre II- La démocratie libérale
1- Les origines de la démocratie libérale
Bien avant l’avènement de la démocratie libérale, régnaient en maîtres beaucoup d’autres formes de gouvernements comme la théocratie, la monarchie héréditaire, l’aristocratie, l’oligarchie, les dictatures militaires et le communisme qui n’ont fait que comprimer les individus dans une sorte de carcan, limitant voire même bafouant les libertés et les droits de ces derniers. Le slogan « l’Etat est tout, l’individu n’est rien » du fascisme hitlérien ne peut que nous donner un idée de l’ambiance qui régnait à ces périodes successives de l’histoire de l’humanité. Aussi, les idéologies communistes qu’on pensait à un moment palier à ces difficultés du vivre ensemble, sont elles-mêmes tombées dans ce cortège de limitations des libertés individuelles et des droits de l’homme.
Mais puisque les hommes aspirent instinctivement à la liberté, ils ne se sont pas résignés à la situation qui prévalait à cette époque. Le premier plus grand mouvement de lutte pour la liberté fut la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis le 4 juillet 1776. Et l’autre mouvement similaire est la Révolution française de 1789-1799 et ses corollaires en Europe. De ces deux évènements est né le libéralisme qui a produit beaucoup de dérivées dont l’une, la démocratie libérale est au centre de notre préoccupation.
La démocratie22 libérale, fruit du libéralisme23, apparue en Europe après la Révolution française et en Amérique à la suite de l’indépendance des Etats-Unis, a été délibérément créée par des êtres humains en un moment précis de l’histoire sur la base d’une certaine conception théorique de l’homme et des institutions politiques appropriées qui doivent le gouverner. Tout en revendiquant comme fondements les principes scientifiques rationnels, elle tient ses origines théoriques de la tradition libérale anglaise de T. Hobbes et J. Locke, des écrits Pères de l’indépendance américaine, et enfin de K. Marx. Et ce n’est qu’au lendemain de la chute des idéologies rivales comme la monarchie héréditaire, le fascisme, le communisme et l’effondrement des gouvernements forts que la démocratie libérale a effectivement vu le jour. Notons ici qu’elle est caractérisée par le développement de la liberté, de l’égalité ainsi que de l’ouverture du marché libre. C’est ce qui a fait dire à F. Fukuyama à la suite de Hegel et de Kojève que « l’histoire a atteint son terme ».
2- ‘La fin de l’histoire’
Lorsque F. Fukuyama évoque l’hypothèse que « l’histoire ait atteint son terme, il n’est nullement question de l’histoire comme succession des évènements, mais de l’histoire, c’est à dire un processus simple et cohérent d’évolution qui prend en compte l’expérience de tous les peuples en même temps »24. La chute du communisme, principale alternative à la démocratie libérale au XXè siècle, le recul des Etats totalitaires en Europe, la victoire de la démocratie sur les dictatures militaires en Amérique latine et la conversion de la Chine à l’économie du marché suggéraient que les principes de liberté et d’égalité sur lesquels la démocratie libérale est fondée ne sont pas le fait du hasard ou le résultat des préjugés ethnocentriques, mais sont vraiment la révélation de la nature de l’homme en tant que homme, dont la véracité ne diminue pas mais augmente au fur et à mesure que le cosmopolisme du point de vu grandit.
En effet, avant notre auteur, « Hegel et Marx croyaient déjà que l’évolution des sociétés humaines n’était pas infinie, mais s’achèverait le jour où l’humanité aurait mis au point une forme de société qui satisferait ses besoins les plus profonds et les plus fondamentaux »25 comme les principes de liberté et d’égalité. Ce qui aboutirait à une fin de l’histoire. Or la fin de l’histoire repose sur l’idée que le désir de reconnaissance constitue l’aspiration humaine la plus fondamentale. Et comme le désir de reconnaissance ne peut être entièrement satisfait que dans la démocratie libérale, et que celle-ci a triomphé des dictatures militaires, du communisme et du fascisme, Fukuyama, à la suite de Hegel Marx et de Kojève, a proclamé la fin de l’histoire.
3- Triomphe ou échec de la démocratie libérale ?
Selon F. Fukuyama, et ses prédécesseurs (Hegel, Marx et Kojève), nous pouvons célébrer le triomphe de la démocratie libérale. Car en elle, comme le pensait déjà Hegel les principes de liberté et d’égalité fruits de la Révolution française26 qui sous-tendent l’Etat libéral moderne avaient été découverts et réalisés dans les pays les plus avancés, aussi, il n’y avait pas de principes ou de formes d’organisation politique et sociale supérieurs à ceux du libéralisme. La démocratie libérale était donc la seul d’organisation politique et sociale libre de contradictions internes inhérentes à tous les modèles connus jusque là.
Cependant, faut-il croire que la démocratie libérale est exempte de tout problème interne ? A première vue on est tenté de répondre par l’affirmative car elle prône effectivement les principes de liberté et d’égalité recherchés de nos jours tant par tous les individus que par toutes les nations.
Mais, après une enquête critique et sérieuse, l’on est en droit de dire qu’il existe aussi de graves problèmes internes au sein des démocraties libérales comme le chômage, la pollution, la drogue, la criminalité, l’individualisme et la perte de la dignité humaine pour ne citer que ceux-là. Chose curieuse, ces problèmes sont issus en grande partie des principes même de liberté et d’égalité fondement de la démocratie libérale. Au nom des libertés, on se réfugie sous les principes des droits de l’homme pour pratiquer : l’avortement, l’homosexualité, la criminalité les manipulations génétiques et pire encore, la guerre même est justifiée ; ainsi que tout ce qui va à l’encontre de la dignité humaine.
Et au nom de l’égalité, la différence fondamentale entre les hommes et les autres composants du cosmos est bafouée, les êtres humains et les autres êtres vivants ayant désormais les mêmes droits. Ce qui crée un chaos total.
Au vu de ces graves problèmes, au lieu d’élever l’homme et le monde, les démocraties libérales les ont plutôt conduit à l’instabilité de sorte que s’il n’y a pas de nos jours une prise de conscience ou une intervention divine immédiate, le monde et les hommes courreraient à leur perdition.
Si donc ce qui a permis à la démocratie libérale de triompher des autres idéologies politiques pendant de longues années, est aujourd’hui sa source de faiblesse, nous pouvons que nous sommes à la phase descendante de la démocratie libérale et que la vie n’est pas toujours satisfaisante au sein de celle-ci. Par conséquent, l’histoire, au lieu de tendre à la fin comme le prétendaient Hegel et Kojève, est appelée à continuer comme semble le dire F. Fukuyama lorsqu’il déclare que « si les contradictions existent dans les démocraties libérales, il faut en conclure que cette même histoire, au sens le plus profond du terme est appelée à continuer »27.
Compte tenu du fait que chaque idéologie politique développe un type d’homme approprié, on est en droit de se poser la question de savoir ce qu’est réellement l’homme de la démocratie libérale encore appelé « dernier homme » qui baigne dans les principes de liberté et d’égalité.

CHAPITRE III : LE DERNIER HOMME
Nous ne saurions commencer ce chapitre sans pouvoir nous accorder sur ce que nous entendrons par la suite comme ‘le dernier homme’. D’après le dictionnaire Larousse classique, le terme dernier requiert plusieurs significations : Dans un premier temps, il relève de ce qui vient après tous les autres dans les temps ceci selon le rang et le mérite. Dans un deuxième temps, ce terme nous renverrait à ce qui est extrême, à ce qui est le plus récent. Toujours du même dictionnaire, l’homme du latin homo est un être doué d’intelligence et d’un langage articulé. Rangé parmi les mammifères de l’ordre des primates et caractérisé par son cerveau volumineux, sa station verticale, ses mains préhensibles. Des trois approches, il en ressort que le ‘dernier homme’ est cet être doué d’intelligence et d’un langage articulé qui viendrait après tous les autres hommes et qui serait probablement l’homme actuel. Quels sont ses fondements ? Quelle idée Francis Fukuyama et d’autres philosophes ont de lui ? Ce dernier homme serait-il celui de la fin de l’histoire ? Telles s’articulent les questions auxquelles nous essayeront en trois parties, de trouver une réponse satisfaisante.
1-LES FONDEMENTS DU ‘DERNIER HOMME’
A la question de savoir si ‘le dernier homme’ a des fondements, plus d’une personne répondraient plus ou moins par l’affirmative : soit que l’expression fondement suggère une certaine idée de genèse, soit qu’elle suppose une certaine base, ce que nous entendons considérer. Parmi les bases qui ont engendrées ‘le dernier homme’, il y’a des bases lointaines et des bases proches. Comme principale base lointaine, nous avons le désir inhérent de reconnaissance. En effet, quoique étant désir et raison comme l’affirmait Platon dans la République, l’homme ne s’est pas contenté au cours de l’histoire et ceci à maints égards, de vivre ses limites. C’était des flux et des reflux, des alternances de civilisation et de barbarie, des fondements et des écroulements d’empires et des Etats autoritaires consacrés à l’économie de marché. Il a réclamé le désir de vivre dans des gouvernements démocratiques qui non seulement le traiterait en adulte et non en enfant mais aussi prendrait en compte son autonomie d’individu libre, capable de s’autodéterminer. Ainsi, au cours de l’histoire, l’homme a été de plus en plus enclin à acquérir son autodétermination. Il est même aller jusqu’à la révolution : par exemple la révolution française de1789 à 1799 qui a marqué un tournant décisif dans cet élan de liberté en abolissant la Monarchie et en établissant la République. Ajouté à cet autodétermination, les prodigieux résultats de la science et de la technologie. Comme principale base proche, nous avons la science et la technologie en particulier les impacts de leurs résultats dans la vie courante des individus. En effet, après la longue éclipse qui suivit ses débuts de l’âge grec et hellénistique, la science qui renaît au moyen âge, surtout à partir du XIVe siècle commence à donner à l’homme l’illusion de trouver réponse à toutes ses préoccupations existentielles. A partir du XIXe siècle, elle atteint son apogée et conduit l’homme non plus à s’autodéterminer mais à devenir ce que Bacon entrevoyait et que Descartes avait déclaré : « l’homme maître et possesseur de la nature »28. Il n’était plus question pour lui de goûter quelque ivresse spéculative mais de les matérialiser et d’en faire une propriété personnelle c’est-à-dire d’en devenir le principal moteur. Il a donc non seulement donné une fin à son désir de reconnaissance mais il a atteint le degré de liberté tant ex compté. Ainsi, il peut se contenter de ce qu’il possède. C’est un homme totalement satisfait d’où cet affirmation de Alexandre Kojève, grand commentateur de Hegel : « l’histoire s’est terminée parce que la démocratie libérale a définitivement résolu la question de la reconnaissance en remplaçant la relation du maître et de l’esclave par la reconnaissance universelle et égale. Ce que l’homme a recherché durant le cours de l’histoire et qui a déterminé les précédentes étapes de l’histoire, était la reconnaissance ; dans le monde moderne, il a fini par la trouver et a été totalement satisfait ».29 En effet, l’affirmation de Kojève selon laquelle l’humanité aurait déjà atteint en substance la fin de l’histoire sur l’idée que le désir de reconnaissance constitue l’aspiration humaine la plus fondamentale nous laisse croire que pour lui, la lutte pour la reconnaissance a dirigé l’histoire depuis la première bataille sanglante, en plus que cette histoire est terminée parce que l’Etat universel et homogène incarnant la reconnaissance réciproque satisfait pleinement cette aspiration. Cette réflexion qui précède nous laisse encore bien loin de l’idée complète du ‘dernier homme’ qui pourrait se dégager de notre travail d’autant plus que nous pouvons retenir ceci pour essentiel que ‘le dernier homme’ est cet individu totalement satisfait par ses deux principaux fondements qui sont entre autres : le désir de reconnaissance et les résultats de la science et de la technologie. Toutefois, alors que certains auteurs en occurrence Fukuyama semblent affirmer que ‘le dernier homme’ atteint son épanouissement, d’autres notamment Frédéric Nietzsche pensent le contraire et le démontre à partir des failles de la démocratie libérale, faisant ainsi naître un paradoxe.
2- LE PARADOXE DU « DERNIER HOMME »
Le paradoxe dans notre discours sur la conception du ‘dernier homme’ vient du fait d’une crise philosophique plus profonde qui traite de deux possibilités de compréhension rationnelle de l’homme de la démocratie libérale. En effet, la philosophie politique classique prétendait que la dignité propre de l’homme le situait quelque part entre les bêtes et les dieux ; la nature de l’homme était partiellement animale, mais cet animal était doué de raison, donc d’une vertu spécifiquement humaine qu’il ne partageait avec aucune autre espèce vivante. Pour Kant comme pour Hegel, et pour la tradition chrétienne à partir de laquelle ils avaient édifié leurs systèmes, la distinction entre humain et non humain était absolument cruciale. Les êtres humains avaient une dignité supérieure à tout dans la nature, puisque eux seuls étaient libres ; ils étaient des causes sans cause, non déterminées par l’instinct naturel et capables de choix moral autonome. De nos jours, cette vision est tiraillée entre deux directions opposées : d’un côté, une série d’affirmation qui ne tient pas en compte le ‘dernier homme’ entend que l’« homme pour l’homme » mais prône la réalisation des individus sociaux et de l’autre, une universalisation intégrale où se perd la distinction entre humain et non humain donc une harmonie entre humain. En ce qui concerne la réalisation des individus sociaux, il apparaît que tout le monde parle de dignité humaine, mais on ne s’accorde nullement sur ce qui fonde cette dignité chez l’homme. Peu de gens pensent que l’homme est digne parce qu’il est capable de choix moral, d’autres estiment que la dignité de l’homme viendrait dans son caractère à s’accomplir personnellement ceci même au dépend de la société. C’est dans ce sens que les penseurs comme Nietzsche estiment que l’homme moderne, pour nous ‘le dernier homme’, ne peut voir en la démocratie libérale qu’une continuité du « limon vivant » c’est-à-dire une poursuite de la vie animale dont il est issu car l’homme libre et autonome n’est rationnellement capable de suivre que les lois qu’il s’est fixé et donc se trouvera réduit à un mythe auto gratifiant. De même, le fait que des inégalités sociales majeures soient destinées à persister même dans les plus parfaites des sociétés libérales signifie que la tension continuera entre les principes jumeaux de la liberté et d’égalité qui sont à la base de ses sociétés. Cette tension dira Tocqueville est « nécessaire et inamovible »30 En ce qui concerne, la considération du ‘dernier homme’ entend que l’ « homme pour l’homme » c’est-à-dire une universalisation intégrale de l’homme avec perte de distinctions entre humain mais aussi entre humain et non humain, il apparaît que certes la dignité supérieure de l’homme lui donne un titre à conquérir la nature c’est-à-dire à la manipulation et à l’appropriation de celle-ci pour ses propres fins rendus possibles par la science physique, mais l’homme doit ceci grâce à la démocratie libérale prendre en compte tous les paramètres et de sa nature et de son environnement. Ainsi, s’il a atteint un niveau satisfaisant de vie, il doit s’arrêter de s’investir dans le développement plus au contraire, il doit être ce que Fourier appelle « gérant du globe ». L’impasse intellectuelle dans laquelle le relativisme de la conception du ‘dernier homme’ nous a conduit, nous laisse croire que la parfaite compréhension de ce terme si cher à Francis Fukuyama n’est possible qu’en relation avec la fin de l’histoire, point central de sa philosophie de l’histoire. Cependant, nous nous poserons la question de savoir si le ‘dernier homme’ en relation avec la fin de l’histoire est aussi la fin de l’humanité et qu’en plus elle est particulièrement liée à un genre d’homme, l’africain en est-il concerné ?
3- LE ‘DERNIER HOMME’ ET LA FIN DE L’HUMANITE
En plus de tous ce que nous avons précédemment dit, une question nous vient à l’esprit celle de savoir, si cette liberté tant prônée par la démocratie libérale, de qui serait-elle la libération ? De l’humanité ? Pour une pensée comme celle de Marx qui refuse tout au-delà du temps, toute participation du temps à un éternel donc l’idée que l’humanité peut avoir une fin n’est peut-être pas un mythe. En effet pour Marx, l’homme a un caractère essentiellement historique, c’est-à-dire que l’homme réel « n’est pas autre chose que l’homme donné à un moment de l’histoire », ainsi rien en lui ne déborde ni ne transcende ce moment. « L’histoire tout entière, dit-il encore, n’est qu’une transformation continue de la nature humaine »31 , cette assertion doit être prise au sens le plus fort. « Rien n’existe, commente Engels32, que le processus ininterrompu du devenir et du transitoire.» Rien nulle part ne se totalise. La dialectique marxiste « n’avance que sur des morts 33». Comment donc se réaliserait enfin l’essence d’un être qui n’a point d’essence, qui n’est qu’un nom commun pour désigner la suite des générations et la multiplicité des individus ? Pas plus que l’essence de l’homme, l’espèce humaine n’existe vraiment : qu’est-ce l’avenir humain ? Avons-nous encore le droit de nous interroger sur l’avenir de l’humanité ?
Si nous pouvons espérer que la libération des hommes à venir soit réalisable, il nous faut pour cela croire à une nature humaine totalement transformer et humanisée sur notre planète et cela en relation avec la nature. Cependant, croire à la fin de l’humanité, c’est dire qu’un jour, plus ou moins éloigné, les forces cosmiques auront raison sur notre fragile plante humaine et ainsi, nous aurons à nous immoler, non pas seulement dans nos biens et nos avantages, mais jusque dans nos consciences. Non pas dans à quelque chose qui nous dépasse, mais à quelque chose qui nous est extérieur et qui de surcroît peut être nous-mêmes. Ces avantages que l’on attribut au ‘ dernier homme’ pourront aussi avec le temps s’avérer comme ses désavantages. Par exemple, la pression des faits de tout ordre, le développement des techniques, les réalisations des nécessités de l’économie planifiée avec les légitimes espoirs qui en résultent, peuvent contribuer pour une part au péril car à travers eux, l’homme aura atteint le plein illusion de sa liberté. Toutefois, notons que le péril serait moins grave si on trouverait avec moins de peine les formules capables de sauver, pour la meilleur part de l’homme, un « secteur libre » à côté du « secteur dirigé » disons mieux de promouvoir une liberté plus haute, un essor de personnalité par le moyen même d’une organisation plus rationnelle des ressources du globe et de la vie sociale.34 Il n’est pas besoin d’être un attardé, ni de bouder l’effort actuel de notre espèce, ni de fermer les yeux sur les trop réels soubassements des libéralismes formels pour comprendre que loin d’envisager une fin de l’humanité, le ‘dernier homme’, cet homme des libertés serait entrain d’entrevoir l’essors même de l’humanité. Il n’en vient à l’esprit toutes les entreprises mises sur pieds pour redonner à l’humanité et au globe terrestre son image originelle. Néanmoins, quoique les impacts de cette fin de l’humanité ne soient que perceptible dans les continents autres mers, peut-on dire que l’Afrique en est épargné ?
4- L’AFRIQUE ET LA FIN DE L’HUMANITE.
C’est un grand débat que celui qui s’ouvre sur l’humanité. Il a pour origine les conséquences de ce que l’on a commencé dans la postmodernité à évoquer sous les termes du ‘dernier homme’ dont nous ne connaissons les toutes premières origines qu’à partir de la fécondation in vitro au clonage de la brebis Dolly. Au grand défi écologique du 21e siècle exprimé par la question « qu’allons-nous faire de notre planète » s’ajoute une autre plus radicale encore et de nature anthropologique : « qu’allons-nous faire de notre espèce ? » Sur ce terrain, diverses thèses s’affrontent notamment celles qui soutiennent que le vieil homme doit disparaître et céder la place au nouveau et celles qui soutiennent le contraire. Mais devant le fait indéniable que la planète est secouée par trois grandes mutations (mutation économique avec la mondialisation, mutation de l’information avec l’Internet, mutation biotechnologique avec le clonage) sources et catalyseur de l’idée d’une fin de l’humanité, nous nous posons la question de savoir si notre cher continent en est épargné, ceci compte tenu de certaines affirmations notamment celle du professeur Hubert Mono Ndzana qui estimait que l’Afrique n’est pas concerné par ce « fléau » lors de la conférence du 15 Novembre 2007 du professeur Dominique Folscheid au centre culturel français dans le cadre des premières rencontres philosophiques internationales francophones de Yaoundé.
La mise à part de l’Afrique dans le grand concert planétaire reste une conviction largement partagée car dans un continent où systèmes sociaux, valeurs spirituelles, formes esthétiques connaissent d’incessants bouleversements à cause des interminables conflits politiques, il serait rassurant de réfléchir sur des points fixes auxquels se référer dans un tel relativisme ambiant. Certes, il est difficile de discuter sur le fait que les autres éléments de la culture qui sont entre autres, les formes d’organisation politique, la structure familiale, les mythes fondateurs, les us et les coutumes, les religions et les spiritualités, les arts et les lettres ne soient pas imprégnés de la vision occidentale du monde, mais il reste vrai que l’Afrique présente d’autres préoccupations objectives et vérifiables. C’est le cas des famines et de la sècheresse dans les pays du Sahara, c’est le cas des épidémies, des pandémies et des maladies telles que le paludisme et la fièvre typhoïde qui sévissent dans les pays équatoriales, c’est le cas de la pauvreté, de la corruption qui mettent à genoux les économies de plusieurs pays de notre continent. Cependant, malgré la véracité de ces préoccupations, il paraît qu’elles le sont ou bien l’ont été dans d’autres contrées de la terre. Ainsi, en interrogeant la notion de mise à part de l’Afrique en ce qui concerne la fin de l’humanité, il nous paraît illégitime de mettre sur table ces préoccupations si probantes soient-elles mais de voir si les impacts de la biotechnologie, l’un des résultants des idéologies de la démocratie libérale, sont perceptibles en Afrique en général et au Cameroun en particulier. En effet, il se produit actuellement un saut quanti qualitatif qui permet à des personnes souffrant de maladies graves de mieux contrôler leur pathologie dans plusieurs centres spécialisés dans notre continent. De même, nous avons encore des avancées considérables sur le domaine médical dans le sens de la procréation médicalement assistée. Par exemple, dans diverses contrées de nos pays, nous avons l’émergence des centres de planning familial, des centres de recherches dans le sens des éradications des épidémies et des malformations et défaillances infantiles (l’hôpital génico-obstétrique de Ngousso à Yaoundé au Cameroun. En plus un leucémique ayant besoin d’une greffe de moelle osseuse peut se cloner à partir d’un ovocyte dont le matériel aurait été troqué contre son propre matériel génétique. Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, le projet des moustiques génétiquement modifiés capables de détruire le parasite malarien a été mis au point et lancé au Mali. Parmi, les autres implications des biotechnologies, nous avons des recherches en agricultures entreprises dans beaucoup de pays en Afrique. Au Cameroun, nous avons par exemple le centre international de recherches agricoles pour le développement (I.R.A.D.). Toutefois, notons aussi que les implications des connaissances biotechnologies ne sont pas toujours favorables. Comme exemple, nous pouvons citer les différents trafiques d’organes humains dont la conséquence médiate est le crime perpétré sur des innocents dans le but de les dépouiller de leur contenu organique qui sera par la suite destiné à la vente. En plus du trafique des organes, nous pouvons en plus énumérer la naissance de nouvelles maladies issues des manipulations en laboratoire des agents virales.
Au terme de cette partie qui consistait pour nous de montrer la conception du ‘dernier homme’ selon Francis Fukuyama à partir de ses fondements, du paradoxe dont il est à l’origine dans le monde philosophique, nous pouvons retenir que c’est le désir de reconnaissance et les résultats de la science et de la technologie qui sont à son origine et que le paradoxe dont il est la cause, a pour hypothèse de recherche la liberté car pour certains penseurs, le ‘dernier homme’ est un être accompli dans sa liberté issue des idéaux de la démocratie libérale et pour d’autres, c’est un être qui va plutôt à sa déchéance puisque ayant perdus le sens même de ce qui fait de lui un homme à savoir la lutte pour le prestige, il ne reste plus qu’un « homme sans courage ». Néanmoins, au-delà du paradoxe, une autre divergence à savoir celle de savoir si le ‘dernier homme’ supposait la fin de l’humanité, nous a conduit à voir dans quel sens parler du ‘dernier homme’ serait faire allusion à la fin de l’humanité. Et il nous est apparu que ceci n’est nullement faire allusion à la fin de l’humanité car « rien, nulle part, ne se totalise mais se transforme continuellement » Aussi pour terminer nous avons voulu faire un lien entre le « dernier homme », la fin de l’humanité, la biotechnologie et l’impact sur l’Afrique. Il en ressort que bien que l’Afrique ait d’autres préoccupations, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est en plein pied dans les idéaux de la démocratie libérale.

CONCLUSION
Nous nous sommes fixés l’objectif d’étudier les concepts du ‘premier homme’ et du ‘dernier homme’ que nous avons rencontrés dans l’œuvre du philosophe américain Francis Fukuyama intitulé « La fin de l’histoire et le dernier homme ». Pour cela, nous avons voulu dans un premier temps présenter le concept de ‘premier homme’ en partant d’une part de son approche définitionnelle et d’autres part des similitudes et des divergences dont il fait l’objet notamment dans l’approche philosophique de Hobbes, Locke et Hegel. Nous y avons trouvé réellement des valeureuses informations particulièrement que le ‘premier homme’ est cet homme épris du désir de reconnaissance. Dans un deuxième temps, nous avons voulu étudier la démocratie libérale en partant de ses origines, de sa relation avec la ‘fin de l’histoire’ et surtout nous avons voulu de part ses considérations, voir s’il était question du triomphe ou de l’échec de cette dernière et il nous est paru assez clairement que l’une des principales origines de la démocratie libérale est la révolution française et que sa relation avec la ‘fin de l’histoire’ serait perçue dans le sens d’un consensus international sur ses idéaux. S’agissant de son triomphe ou de son échec, il est paru qu’au vu des nombreux problèmes dont font face les pays dits démocratiques, celle-ci loin d’être un triomphe de l’humanité, est plutôt un échec, un éternel recommencement. Devant l’ambiguïté de l’homme qui aspire à l’épanouissement et de la démocratie libérale qui semble être en majeur partie un échec, il s’est donc posé le problème du ‘dernier homme’: qui est-il ? Est-il l’image de la fin de l’humanité ? Si oui, devant l’implication des idéaux de la démocratie libérale notamment les biotechnologies, peut-on dire que l’Afrique est mise à part ? Par cette triade interrogative, il nous est paru que le ‘dernier homme’ dont la conception fait l’objet d’un paradoxe au sein de la pensée philosophique, n’est nullement pas ce prélude de la fin de l’humanité mais la fin de la mission originelle de l’homme à savoir gérer la nature. En ce qui concerne l’Afrique, il s’est avéré que quoiqu’elle soit empreinte à d’autres préoccupations, elle ne demeure pas moins concernée car le monde est de part et d’autres secoué par trois mutations à savoir : la mutation économique avec la mondialisation, la mutation de l’informatique avec l’Internet, la mutation de la génétique avec le clonage. En définitive, nous pouvons au terme de toutes les réflexions précédentes affirmer que Francis Fukuyama est une figure de proue ceci pour deux raisons : il a remis à jour la considération philosophique de l’histoire et par cela redorant son blason à la philosophie de l’histoire jadis contestée puis il a permis à l’humanité de poser un regard interrogateur sur l’ensemble des événements qui marque notre siècle.

Bibliographie
Ouvrage principal
F. Fukuyama, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992,
Ouvrages secondaires
J. Leclercq, le jour de l’homme, Paris, Seuil, 1980, 157 p.
J. Maritain, Humanisme intégral, Paris, Seuil, 296 p.
Landsberg, Marx et le problème de l’homme, dans la vie intellectuelle, 10 sept 1937.
Lénine, Marx, Engels, Marxisme, traduction française, p.102.
Marx, Misère de la philosophie, Paris, Seuil, 438 p.
P. Teilhard de Chardin, La formation de la Noosphère. Revue des questions scientifiques, 20 janvier 1947.
René Descartes, Discours de la méthode (1637), Paris, Flammarion, 1992, 280 p.
Usuels
Encyclopedia universalis, paris, 1989, pp.253-258.
Larousse Classique, 1999.
Microsoft® Encarta® 2006 [DVD], Microsoft corporation, 2005.

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